East End était sûrement le pire quartier de Gotham. Et c’était dire. Un quartier rempli de malfrat, de criminels, des pires mafieux qu’on peut trouver dans le coin. Pourtant, il y avait eu des efforts de faits, par la mairie, pour essayer de rendre le quartier plus vivable. Mais il n’y avait rien à faire, le quartier était, est, et sera toujours un coupe-gorge. Certains pourraient se demander pourquoi une justicière irait quand même y mettre les pieds, si le quartier était condamné. Il fallait bien aider les gens qui y vivaient, et qui n’étaient pas totalement perdus, ceux qui étaient obligés de vivre au milieu du crime, des règlements de comptes et des massacres.

Et les rois des massacres et des règlements de comptes, c’était les Jokerz. Ceux qui passaient leur temps à terroriser les pauvres gens, qui se prenaient pour les héritiers du Joker. Une belle bande de tarés. A force de les observer en ville, Dinah avait fini par établir une façon d’agir type. Ils étaient toujours en bande, toujours armés, et s’en prenait toujours aux passants qui n’avaient pas l’air de pouvoir se défendre. Des proies faciles, donc. Il était temps qu’ils affrontent quelqu’un qui poserait un vrai défi. Ils aimaient se prétendre les héritiers du Joker, sans avoir une once de son ambition.

Perché sur un toit, Dinah observait un groupuscule de Jokerz, qui s’amusait juste à terroriser le peu de gens qui avaient le courage de passer par là. Dans le fond, ils ne faisaient rien de vraiment mal, là, mais la situation pouvait vite dégénérer, si l’envie leur en prenait. Et si ça arrivait, elle était là pour intervenir vite. Et apparemment, elle n’était pas la seule. Au bout de la rue, une jeune fille apparut. De quoi bien exciter la bande. Sauf qu’ils déchantèrent bien vite. Un des Jokerz essaya de l’aborder, et ce fut-là la plus grosse erreur de sa vie. Et la dernière, aussi.

La jeune fille qui venait d’arriver était habillée comme un clown triste, avec une tenue blanche, et un masque blanc, marqué d’une larme noire. Une autre Jokerz ? Elle n’en avait pas vraiment l’air… En tout cas, ceux qui étaient là ne la connaissaient pas. Etrange… Mais avant que Dinah ne puisse réagir, la jeune fille sortit une arme à feu. Géniale, encore une autre tarée. Et sans que personne ne puisse réagir, elle abattit l’homme face à elle d’une balle dans la tête. C’était là le signal, Dinah allait devoir intervenir avant que la jeune femme soit ne fasse couler un bain de sang, soit ne se fasse massacrer. Après tout, elle avait l’air d’une petite fille face à eux.

Et pourtant. Pourtant elle se débrouillait beaucoup mieux qu’eux. Après les coups de feu, elle passa au corps à corps. Dinah devait l’avouer, elle était plutôt impressionnée par les capacités de la jeune femme. Ce n’était pas une débutante, ou une amatrice, c’était quelqu’un qui avait reçu un véritable entraînement. C’était une guerrière. Mais, Dinah ne pouvait pas la laisser faire comme ça. Ou plutôt, Black Canary ne pouvait pas la laisser faire. Dinah se laissa donc gracieusement tomber du toit, juste derrière les trois molosses encore en vie. Elle en assomma un, et en mit un deuxième à terre. Le troisième était déjà blessé d’une balle dans la jambe. Dinah se jeta donc sur l’assaillante, la bloquant et l’empêchant de finir les trois autres Jokerz.

« Je pense que ça suffit, c’est pas la peine de faire un massacre non plus. »

Elle la tacla, essayant de la bloquer à terre, pour la calmer. Elle se retourna, pour voir si les trois autres abrutis se tenaient à carreau. Ce n’était peut-être pas une bonne idée de s’immiscer dans cette bagarre, mais bon. Elle se tourna à nouveau vers la jeune fille.

« Et, je peux savoir à qui j’ai l’honneur ? »

La gamine était particulièrement douée, elle s’était dégagée de la prise de Dinah sans aucun problème. Elle avait du bien s’entraîner, ou avoir un bon professeur… Soit. Ce n’était pas comme si Dinah ne s’était jamais battue contre quelqu’un de particulièrement bien entraîné, après tout. La jeune fille s’était calmement relevée, et Dinah fit de même, prête à se défendre ou à lui sauter dessus si jamais elle décidait de répliquer, mais elle n’en fit rien. La jeune fille sortit son arme, pour abattre les deux Jokerz que Dinah avait épargnés. La justicière poussa un long soupir agacé. Ça n’allait pas être une mince affaire de calmer la gamine en face d’elle.

La jeune fille se présenta. White Clown, donc. Et elle avait l’air d’avoir une haute estime d’elle-même, à se prendre pour une grande sauveuse, celle qui allait nettoyer Gotham des Jokerz. Mais bien sûr… Vu comment elle prenait le problème, elle avait plus de chances de finir au fond de la rivière d’ici la semaine prochaine. Mais en même temps, elle avait l’air jeune, mais alors, vraiment jeune. Probablement plus jeune que Mia. Est-ce qu’elle avait au moins vraiment conscience de ce qu’elle faisait ? C’était bien d’avoir de grandes idées, des idéaux, mais il fallait aussi avoir les pieds sur terre, pour ne pas perdre pied, justement.

La gamine releva légèrement son masque, dévoilant sa bouche, et le filet de sang qui en échappait. Elle avait la peau aussi pâle qu’une poupée de cire, presque aussi pâle que son masque, une peau diaphane. Elle avait l’air presque fragile comme ça. Ce que clairement, elle n’était pas, il n’y avait rien à redire dessus. Mais quelque chose avait fait tiqué Dinah, elle ne savait pas vraiment quoi, mais elle avait un pressentiment concernant la jeune fille en face d’elle qu’elle ne pouvait nommer… C’était vraiment étrange, elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Dinah se planta face à elle. Mais la jeune fille n’avait pas fini sa tirade.

« Je m’en fiche, que tu aies du respect pour moi ou pas. Non parce que, je vois pas la différence entre eux et toi, si tu t’amuses à tirer sur tout ce qui bouge. Je comprends que tu aies de bonnes intentions, mais la façon dont tu l’exploites laisse à désirer. Tu peux mieux faire, vraiment. D’ailleurs, tu n’as pas besoin de ça. »

Joignant le geste à la parole, Dinah lui asséna un coup de pied dans la main, pour lui faire lâcher son arme, puis un autre dans les jambes, pas trop violent afin de ne pas la blesser, mais pour la faire tomber.

« Je ne suis pas pour ou contre toi, mais si tu fais n’importe quoi, tu m’auras sur le dos, et pas que moi, d’ailleurs. Tu veux « exterminer » les Jokerz ? Commence d’abord par les faire tomber, les humilier. Remets-les à leur place. Ils auront pas peur de quelqu’un qui leur tire dessus, mais quelqu’un qui les humilie ? Je pense que ça aura plus de chance de les faire chier. »

Dinah se doutait bien qu’essayer de résonner cette fille s’apparentait à pisser dans un violon.  Surtout qu’elle n’avait pas dû apprécier de se faire mettre à terre une deuxième fois. Dinah était prête à se défendre. Ce n’était pas une petite poupée en porcelaine qui lui ferait peur.

« Je m’en fiche, que tu aies du respect pour moi ou pas. Non parce que, je vois pas la différence entre eux et toi, si tu t’amuses à tirer sur tout ce qui bouge. Je comprends que tu aies de bonnes intentions, mais la façon dont tu l’exploites laisse à désirer. Tu peux mieux faire, vraiment. D’ailleurs, tu n’as pas besoin de ça. »

Elle sentit un premier coup de pieds dans son poignet faire voler son arme au loin puis, un second dans la jambe la faire tomber au sol. L’espace d’un instant, la poupée serra les poings, prête à sauter sur ses pieds pour asséner un coup de poing bien mérité dans la jolie geule de Black Canary. La frapper et la mettre à terre de manière aussi humiliante passait, mais la comparer à ces sous races de Jokerz était vraiment le meilleur moyen de provoquer la colère de White Clown. Mais elle inspira un grand coup et tenta de se calmer, forçant ses doigts à se desserrer. Là n’était pas son combat, elle n’était pas son ennemi. Son temps restant sur cette terre était trop court pour le gaspiller à se battre contre cette femme.

« Je ne suis pas pour ou contre toi, mais si tu fais n’importe quoi, tu m’auras sur le dos, et pas que moi, d’ailleurs. Tu veux « exterminer » les Jokerz ? Commence d’abord par les faire tomber, les humilier. Remets-les à leur place. Ils auront pas peur de quelqu’un qui leur tire dessus, mais quelqu’un qui les humilie ? Je pense que ça aura plus de chance de les faire chier. »

La poupée redescendit son masque en poussant un long soupir, couvrant à nouveau son visage. Elle se releva lentement en passant une main dans ses cheveux pour les dénouer puis secoua la tête. Humilier les Jokerz? Tout ça ressemblait au discours d’une maitresse d’école conseillant à un élève harcelé d’ignorer les insultes au lieu de prendre de véritables mesures contres les harceleurs. Qu’attendait-elle de White Clown, qu’elle verse son coca sur les Jokerz en leur disant qu’ils sont très très méchants? Bien sûr, Black Canary ne comprenait pas, elle ne pouvait pas comprendre, il lui manquait une clef pour n’avoir ne serait-ce qu’une idée de sa motivation à tuer tout les Jokerz; la véritable identitée de White Clown.

Lucy respectait vraiment Black Canary et de manière générale, le travail de tous les super-héros, sûrement des restes de sa tendre enfance où le monde vénérait encore les héros et louait leurs exploits. Elle avait espérait avant de revenir à Gotham qu’ils la comprendraient comme son mentor l’avait comprise, comprendraient le besoin de brûler tout les cafards de la ville sans oublier leur reine. Mais cette rencontre lui prouvait le contraire. Aveuglés par ce vieux principe de ne jamais tuer leurs ennemis, soit disant pour laisser une chance à leurs ennemis de se repentir, les héros n’avaient même pas remarqués qu’une fois sortis de prisons les cafards retournaient à leur état naturel. Lucy, elle, ne se laisserait pas aveugler par les fausses excuses et les supplications de ses ennemis, de la même manière qu’elle n’avait jamais oublié la folle meurtrière caché derrière l’amour et la tendresse que lui offrait Harley.

Au fond, Lucy avait toujours su que les héros de Gotham ne l’aideraient pas. Il ne l’avait pas sauvé jadis, ils n’allaient pas le faire maintenant. C’était encore plus ironique qu’elle se dise ça face à Black Canary, une héroïne travaillant si souvent avec Green Arrow, le seul héros à l’avoir vu, à avoir croisé son regard. Lui qui l’avait vu jeune, avait pu apercevoir en vraie les dommages qu’Harley commençait déjà à causer sur son esprit et n’avait rien fait. Si seulement il avait tiré une flèche entre les deux yeux de la folle furieuse ce jour là, tout aurait été réglé et Lucy ne serait pas aussi brisé. Au final, les héros n’ont jamais sauvé personne et White Clown comprend la haine des habitants de Gotham pour toutes ces mauviettes masquées incapable de prendre une vraie décision.

“Les humilier? C’est comme ça que vous traitiez le Joker avant qu’il fasse exploser toute la ville?”

White Clown pouffa de rire. Voilà ce que provoque l’incompétence de tous ces soit-disant héros. Il faut soit en pleurer, soit en rire. Elle a choisi le rire sans même hésiter. Si des gens vraiments compétents et prêts à prendre de dures décisions s’étaient occupés de Gotham alors rien ne serait arrivé. Le Joker aurait été tué après son premier crime, Harleen se serait jamais devenue Harley, la ville n’aurait jamais explosé, Lucy serait une jeune femme tout à fait normal venant d’une famille sans problème. Un homme mort aurait sauvé des centaines de milliers d’autres; les morts, les proches des morts, ceux étant tombés dans la folie en suivant l’exemple du Joker…

“Humilier les autant que vous voulez si ça vous amuse et déclarez moi comme ennemi si ça rassure votre connerie de code de conduite. Mais je sais quel est mon rôle sur cet terre. J’exterminerais les jokerz jusqu’au dernier pour que plus aucune vie ne soit ruiné par leurs folie. Je vous souhaites sincèrement d’ouvrir vos yeux sur les cafards qui règnent dans cette ville. Au revoir, Black Canary.”

Alors elle s’éloigna, plongea dans l’obscurité de Gotham d’où elle était arrivée. Pour la première fois, quelqu’un venait de remarquer White Clown. Seul le destin pourrait dire ce qui allait arriver pour cette poupée de cire déjà trop brisée pour être normal.